Tout le monde en place pour un valse-lancier!

par Olivier Paré, historien, danseur et enseignant

Lafrenière, Jean-Baptiste. National : valse-lancier. Montréal : J-E Bélair, 1911. Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

Lafrenière, Jean-Baptiste. National : valse-lancier. Montréal : J-E Bélair, 1911. Bibliothèque et Archives nationales du Québec.

À la fin du dix-neuvième siècle, les programmes des bals et des grands événements dansants de Montréal commencent à inclure une nouvelle danse à la mode : le valse-lancier. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un mélange entre deux danses déjà bien connues à l’époque : la valse, danse de couple, et le quadrille des lanciers, une adaptation britannique du quadrille français. Dans cette nouvelle danse, les couples 1 et 3 commencent par exécuter une figure du quadrille des lanciers, en pas marchés. Lorsque le rythme de la musique change, ils se mettent à valser. On recommence plus tard ces mêmes figures, cette fois-ci exécutées par les couples 2 et 4, et ainsi de suite.

La danse gagne rapidement en popularité. Il n’est pas rare de la voir apparaître dans les programmes d’événements mondains publiés dans les journaux et les magazines de l’époque. En 1898, par exemple, La Presse rapporte que le valse-lancier est au programme du banquet de l’Association des Bouchers de Montréal. Même chose en 1908 à la convention annuelle de l’Association des marchands détailleurs. On publie même fréquemment des partitions de valse-lancier, afin de pouvoir en jouer au piano à la maison et faire danser les gens chez soi.

Fort de toute cette publicité, le valse-lancier va se propager même à l’extérieur des centres urbains. Bientôt, la danse est exécutée par tout un éventail de classes sociales.

Le « sempiternel » valse-lancier

En 1918, un commentateur de l’époque, Gustave Comte, publie dans le magazine Le passe-temps ses impressions sur les bals de son époque. Il écrit :

« Malheureusement, de nos jours, nous devons nous contenter du sempiternel valse-lancier, de la valse, de la polka […], encore qu’il y ait quelques-unes de ces danses assez jolies mais monotones et souvent insipides. » (Le passe temps 24:605, 1er juin 1918).

Il semble que déjà à l’époque, le valse-lancier commençait à devenir redondant pour certains! Cette opinion de M. Comte ne signale pas pour autant l’abandon de ce style : alors que l’industrie du disque commence à prendre son envol dans les décennies suivantes, des violoneux québécois vont enregistrer de nouvelles valses-lanciers (Alfred Montmarquette en 1928, Isidore Soucy en 1931…). Près d’un siècle après son avènement, en 1984, le valse-lancier est encore dansé à Montréal. Mario Boucher en recueille une version auprès de la famille d’un dénommé monsieur Pigeon, alors âgé de 85 ans. Les collectes de ce genre ont permis à cet ancien répertoire de survivre jusqu’à aujourd’hui et d’être repris pour la scène par les ensembles folkloriques.

Extrait d’une description d’un valse-lancier. A. Lacasse, La danse apprise chez soi (Montréal : Imprimerie Modèle, 1918), p. 25.

Extrait d’une description d’un valse-lancier. A. Lacasse, La danse apprise chez soi (Montréal : Imprimerie Modèle, 1918), p. 25.

Bibliographie

BOUCHER, Mario et ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DES LOISIRS FOLKLORIQUES, Danses de la région de Montréal et des municipalités riveraines de la péninsule gaspésienne. Montréal, Association québécoise des loisirs folkloriques, 1987, 108 p.

ROQUIGNY, Peggy. « De la mode au bon vieux temps? Paramètres du maintien de danses des dernières décennies du XIXe siècle dans le Montréal de l’entre-deux-guerres. » Bulletin Mnemo 15:1 (été 2014).

« Les bouchers. » La Presse, 9 février 1898, p. 1.

« Convention annuelle. » La Presse, 7 juillet 1908, p. 10.

COMTE, Gustave. « Voyage à travers le dictionnaire (suite).» Le passe-temps 24:605 (1er juin 1918), p. 203.

LACASSE, A. La danse apprise chez soi. Montréal : Imprimerie modèle, 1918.